Réinventer les salles de formation

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Le design pédagogique de salle au service de l’apprentissage

 

Toute personne et en tout temps a besoin de se sentir bien.

 

Bien que ce postulat puisse paraître une évidence, il n’est pourtant pas toujours considéré à sa juste valeur durant nos journées.

Lorsque l’on emménage dans un nouveau logement, notre priorité immédiate est d’organiser cet espace afin qu’il facilite la satisfaction de nos besoins. Ainsi nous « découpons » le lieu pour pouvoir ici cuisiner, là-bas se reposer, ou par-là être et partager avec les autres membres du foyer.

Même dans le lieu le plus simple, nous nous organisons de la sorte.

Imaginons une seule et unique pièce comme cela peut-être le cas dans certaines cultures ou situations, instinctivement nous mettrons les chaussures d’un côté (hygiène), la nourriture au frais (se nourrir), déciderons d’un endroit pour dormir (se reposer), d’un autre pour faire ses besoins etc.

Ainsi notre environnement a un impact important sur la satisfaction de nos besoins physiologiques et de sécurité. Cela fait bien sûr résonance à la pyramide de Maslow, qui présente la nécessité pour tout individu de satisfaire ces 2 premiers niveaux de besoins afin de pouvoir entreprendre quoique ce soit d’autre.

Sur nos lieux de travail, les plus chanceux évoluent dans des locaux agréables. Ce cadre dont ils bénéficient leur permet d’être dans des dispositions favorables à la réalisation de leur travail : épanouissement > concentration > productivité

Malheureusement c’est loin d’être le cas pour tout le monde. Je repense à un cabinet médical où je me suis rendue. Les pauvres secrétaires médicales travaillent sans aucune fenêtre donc source de lumière naturelle, avec un éclairage uniquement au plafond constitué de néons dont un sur deux clignotent car défectueux, sans parler de ceux qui ne fonctionnent simplement pas. Le tout entouré de murs aux couleurs défraichies. Dans de telles conditions, les patients se sentent tout sauf bien pour leur examen médical et les salarié(e)s subissent cela toute la journée…

 

 

formation

 

 

Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? En tant que formateurs ou apprenants il vous est peut-être arrivé de rencontrer des situations semblables, comme des salles de formation en sous-sol sans fenêtre et à l’aération douteuse ?

Cela nous amène à deux choses :

  • L’environnement physique où se déroule la formation participe fortement à la mise en conditions de l’esprit apprenant.
  • Une salle de formation à la configuration unique (traditionnelle) ne peut répondre aux besoins multiples des apprenants.

Tout comme la cuisine permet d’être debout car la tâche que l’on y effectue est plus confortable ainsi, et le salon offre des places assises pour la détente, la salle de formation devrait permettre plusieurs positions selon la tâche à réaliser.

 

Le lieu de formation doit permettre de :

 

  • Se sentir en sécurité, et dans un espace de vie plutôt qu’une salle de formation.
  • Éprouver une sensation de confort et bien-être.
  • Satisfaire le besoin de mouvement car bouger permet de mieux apprendre.
  • Travailler suivant les configurations souhaitées : seul, en petits groupes, en grands groupes…
  • Expérimenter

Le scénario pédagogique devra être construit en prenant en considération les possibilités offertes par un tel lieu. Une sous exploitation serait source de frustration pour les apprenants…

 

Aménager le lieu de formation :

 

Dans la mesure où nos 5 sens nous accompagnent même en formation, nous devons actionner plusieurs leviers pour les satisfaire, et contribuer ainsi à mettre en conditions notre esprit apprenant.

 

  • La configuration de l’espace

À mon sens c’est ce qui est le plus important. Les typologies d’espaces de Rosan Bosch sont une référence en la matière même s’ils ont été pensé plutôt pour les enfants (Dans la mesure où nos 5 sens nous accompagnent même en formation, nous devons actionner plusieurs leviers pour les satisfaire, et contribuer ainsi à mettre en conditions notre esprit apprenant). Ainsi le feu de camp, le forum etc permettent de « découper » votre espace selon les types de tâches d’apprentissage, et les compositions de groupes induites.

Nous pouvons citer également les configurations du Classroom Lab de Bruxelles, ou encore le GEMlabs de Grenoble qui propose un environnement complètement immersif propre à un domaine professionnel. Les sources d’inspiration peuvent aussi venir d’autres lieux, comme les espaces de co-working qui sont de plus en plus élaborés et qui donneraient envie d’y habiter, ou encore les lieux tel que TheCamp.

 

  • L’isolation acoustique et thermique

Le travail en petits groupes augmente le niveau sonore. Pour limiter la fatigue induite sur ou par le groupe, il est indispensable de le gérer par le biais de matériaux et mobiliers adaptés. En ce sens, le type de plafond et le revêtement de sol sont importants, les pieds de chaises et de bureaux aussi.

De même les bruits venant de l’extérieur doivent être régulés par une isolation qui limitera leur effet distracteur.

La température intérieure joue beaucoup sur nos facultés. Trop chaud, le corps met son énergie à réguler la température et n’est plus disponible pour apprendre. Trop froid, difficile de se concentrer sur autre chose que cette sensation.

Concernant les odeurs, un bon système de ventilation est appréciable, mais le fait d’aérer la pièce régulièrement est déjà efficace.

 

  • Le confort

Choisir des chaises confortables et qui durent dans le temps. S’assurer de proposer plusieurs types d’assise comme des chaises hautes qui permettent d’être plus ou moins debout, des chaises à hauteur classique, des fauteuils ou canapés pour les échanges informels et temps de détente… Les éléments modulables offrent de multiples possibilités de configuration.

 

  • Les couleurs

Certaines couleurs favorisent la concentration, d’autres sont stimulantes. Les murs blancs ne sont pas assez stimulants, par contre des murs aux couleurs disparates ou trop vives, ainsi que la surabondance d’affiches nuisent aux capacités d’attention.

Ainsi, il est conseillé de choisir des couleurs neutres et pâles au mur et d’ajouter des touches de couleurs vives sur les murs et/ou le mobilier. Le choix des teintes et de leur emplacement se fait selon l’intention pédagogique de chaque zone.

 

  • La lumière

L’éclairage a un impact important sur le moral et par conséquent sur les capacités d’attention. Privilégier l’éclairage naturel venant de l’extérieur, et compléter par des éclairages artificiels ponctuels qui permettent de créer des ambiances différentes.

 

  • Le végétal

Les plantes ont un impact sur la qualité de l’air ainsi que sur le bien-être des gens en améliorant l’humeur. Permettre une ouverture de la salle sur des espaces verts extérieurs ou bien introduire des plantes à l’intérieur.

Par ailleurs, pour limiter la fatigue oculaire, il est bien de pouvoir porter son regard au loin. Un extérieur vert sans trop de distraction est donc un facteur de bien-être important.

 

  • La signalétique

Le marquage au sol et les couleurs aux murs servent à suggérer les différentes zones sans mettre de cloisons.

 

  • L’accessibilité

Les aménagements prévus doivent permettre à tous d’accéder aux équipements et de pouvoir suivre les formations.

Qu’il s’agisse de difficulté à se déplacer, d’impossibilité de s’exprimer à l’oral (trouble du spectre autistique entre autres) ou d’hypersensibilité sensorielle par exemple, l’espace doit être pensé pour accueillir tous les apprenants dans les meilleures conditions.

Cela peut être par exemple en évitant la surstimulation sensoriels pour certains (éviter la surabondance de couleurs et motifs contrastés, mettre à disposition des casques anti-bruits…) ou par des bureaux-vélo (TDAH), mettre à disposition une messagerie instantanée pour s’exprimer à l’écrit…

Par ailleurs la FOAD est aussi un atout en termes de modalité alternative (TAS…).

L’accompagnement d’un spécialiste peut être nécessaire.

 

  • Les équipements numériques

Fond vert pour la réalisation de vidéos, tablettes graphiques, TBI, caméras de visio-conférence pour la co-modalité, casques VR… inutile de tout avoir, privilégier en fonction des usages, méthodes et objectifs pédagogiques, et laissez votre salle évoluer avec le temps.

 

 

formation

 

 

Avant de se lancer :

 

Tout projet d’aménagement d’un lieu de formation doit répondre à des besoins identifiés, qui seront différents pour chaque structure (publics, domaines de formation, pédagogies, zone géographique, contraintes…). C’est pourquoi il est impératif de réaliser une analyse en début du projet.

Il est intéressant de noter également qu’un projet de design de salle aura plus d’impact si celui-ci concerne l’ensemble du lieu plutôt qu’une salle isolée. La formation ne s’arrête pas aux portes de la salle, les couloirs, cantine, bibliothèque… contribuent au prolongement de cet état d’esprit positif et enclin à la prochaine séance de formation.

 

Prêt(e) ?

 

Vous l’aurez compris, l’environnement influe donc sur nos dispositions à apprendre. Il contribue notamment au sentiment de sécurité dans les apprentissages. D’ailleurs si vous souhaitez en savoir plus sur ce sentiment en formation, je vous invite à consulter cet article : Safety in Learning

Et vous Juliette Perchais , Marie-Christine LLORCA , avez-vous lors de vos « tours du monde pédagogiques » rencontré des lieux d’apprentissage hors du commun ? des lycées, écoles supérieures, salles de formation… qui vous ont marquées par un design adapté à la pédagogie déployée et à l’épanouissement de ses usagers ?

 

Projets réalisés (cliquer sur les liens pour découvrir nos projets) :

Projet d’aménagement de salles de formation – ARSEAA

Projet laboratoire pédagogique – GRETA Auvergne Rhône-Alpes

Auteur / AuTRICE de l'article :

Claire Perron

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