Storytelling et biais cognitifs

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Les pièges invisibles de la conception pédagogique

 

Le storytelling est un levier puissant en ingénierie pédagogique.

Toutefois, sa formalisation n’est pas neutre : nos biais cognitifs peuvent altérer la qualité des décisions prises dans sa conception.

Décryptons ensemble les biais les plus fréquents et leurs impacts sur la création de formation en storytelling.


Quand nos décisions pédagogiques sont biaisées

Saviez-vous que lorsque l’on doit prendre une décision, faire un choix, notre mécanisme de pensée peut avoir une altération de jugement afin d’influer sur ce choix ? Ce sont les biais cognitifs

Découverts dans les années 1970 par Amos Tversky et Daniel Kahneman, ces biais affectent notre jugement et influencent nos décisions – parfois à notre insu.

Vous connaissez peut être d’ores et déjà D.Kahneman, prix Nobel d’économie. C’est lui qui a notamment popularisé la distinction entre nos deux systèmes de pensée lorsque nous devons prendre une décision : le système 1 (rapide, intuitif, émotionnel) qui est le premier a se mettre en oeuvre et le système 2 (lent, réfléchi, analytique).

 

Les biais cognitifs les plus fréquents en conception pédagogique :

Il existe aujourd’hui plus de 250 biais cognitifs recensés, regroupés en six grandes familles :

– les biais sensorimoteurs

– les biais attentionnels

– les biais de mémoire

– les biais de jugement

– les biais de raisonnement

– les biais de personnalité

 

Loin de moi l’idée de vous les présenter de façon exhaustive, je vous propose plutôt d’étudier ensemble les plus courants et leurs effets concrets dans une démarche de storytelling pédagogique.

Laet’s go !

 

  • Le biais de confirmation

Quand nous décidons de créer une formation basée sur la technique du storytelling, nous sommes alors confrontés à de nombreux choix :

  • Mon persona sera-t-il mon protagoniste ?
  • Quel est le point de vue que je vais adopter ?
  • Quelle est la situation de départ ?
  • Quel sera le déclencheur ?
  • Comment vais-je découper les scènes tout en visant des objectifs pédagogiques et en intégrant des contenus ?
  •  

Lors des formations et des Bootcamp animés, le biais le plus fréquent que j’ai rencontré est le biais de confirmation : il s’agit de la tendance que nous avons à valider en priorité ce qui correspond à nos propres convictions. La résultante en est que ce biais nous rend aveugle à toutes autres solutions et possibilités.

Ainsi, dans notre cas, nous adaptons à notre insu, l’écriture du storytelling pour la formation à ce que nous aimons, ce qui fait sens pour nous avant tout et non pour notre persona.

 

 

Pour lutter contre, partons du principe que nous n’avons pas forcément raison et jouons le rôle de l’avocat du diable ou, si vous travaillez en équipe, demandez à quelqu’un de jouer ce rôle afin de challenger vos croyances.

Si nous souhaitons écrire une histoire, avec tel protagoniste, tel élément déclencheur… demandons-nous quel intérêt nous poursuivons et revenons aux fondements et à la méthodologie du storytelling pour la formation.

Le storytelling pour la formation est une technique pédagogique facilitante qui permet à un persona d’atteindre un ou des objectifs fixés, c’est à dire des compétences.

Continuons la démonstration et demandons nous ensuite, si notre persona a été formalisé avec un biais de confirmation. Une fois validé, arrêtons nous sur un autre biais fréquemment présent en chacun de nous : le biais d’excès de confiance.

 

  • Le biais d’excès de confiance

Le biais d’excès de confiance part du principe que la confiance subjective d’une personne dans ses jugements est supérieure à l’exactitude objective des faits.

Et oui, nous tenons parfois pour vrai nos jugements plus que des faits avérés.

Il est donc nécessaire de se remettre en permanence en question : nous, nos jugements et nos actions.

Lorsque je demande aux formateurs ou ingénieurs pédagogiques pourquoi ils affirment que leur persona est celui de leur formation, ils répondent qu’ils connaissent parfaitement leur public. Ce qui est exact, les formateurs sont au plus près de stagiaires, mais ce n’est pas pour autant que plusieurs biais n’agissent pas dont celui d’excès de confiance !

Pour lutter contre ce biais, il est alors nécessaire d’aller chercher l’information à la source, de réaliser une véritable enquête en remettant en cause nos propres pensées.

Par exemple, vous pouvez poser quelques questions aux personnes concernées qui vous éclaireront ou encore utiliser des méthodologies d’enquêtes quantitatives et/ou qualitatives.

Les réunions entre formateurs d’un même cursus peuvent également aider à condition de ne pas tomber dans un autre biais : celui de la pensée de groupe.

 

  • Le biais de pensée de groupe

Mis en avant par Jerry B. Harvey en 1974 ou encore appelé le paradoxe d’Abilene, ce biais traduit le mode de pensée suivant : quand le désir des décisions prises collectivement est plus fort que la pensée individuelle. On se conforte alors à la pensée du groupe .

Pourtant, comme le disait Coluche : « ce n’est parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison »

Pour la petite histoire, le paradoxe d’Abilène vient d’une ville du Texas du même nom. Jerry Harvey a commencé a étudié ce biais suite à une histoire racontée : Une famille d’Abilène qui, souffrant de la chaleur, décide de partir faire un tour en voiture pour s’aérer. De retour après plusieurs heures, ils sont tous dépités. Ils ont souffert encore plus de la chaleur en voiture, la route était interminable, ils se sont ennuyés… vous voyez le tableau ! En se questionnant mutuellement, chacun admet qu’il aurait préféré resté mais qu’il pensait que les autres souhaitaient partir faire un tour, c’est pourquoi ils sont tous montés en voiture. Chacun a donc pensé que l’autre préférait cette solution sans même l’interroger !

 

 

Comment lutter alors contre ce biais ?

En formation, et plus spécifiquement, en conception en storytelling, il est nécessaire de privilégier une parole libre, d’interroger toutes les personnes individuellement, plutôt que collectivement sur leur préférence de types de storytelling, de ligne éditoriale…. Vous pouvez également réaliser des ateliers de co-développement ou des ateliers en design thinking.

 

  • Le biais d’ancrage

Enfin le quatrième biais étant le plus présent en chacun d’entre nous est le biais d’ancrage.

Un biais de jugement là aussi fréquent dans la conception pédagogique et qui permet de comprendre et d’influer sur ce que va retenir un apprenant .

Le biais d’ancrage est le fait que nous avons tendance à nous appuyer excessivement sur la première information reçue comme point d’ancrage ou de référence. Nous nous en servons ensuite pour juger les autres informations reçues et prendre des décisions appuyées sur ces mêmes informations. Et ce, même si nous sommes confrontés par la suite à des informations nouvelles et contradictoires. Notre cerveau cherchera dans tous les cas à minimiser les contradictions à venir.

Ce biais identifié par les psychologues Amos Tversky er Daniel Kahneman (toujours celui du système 1 et du système 2 ! Ils adoraient ensemble étudier les biais et je vous ai d’ailleurs mis quelques références si vous souhaitez en savoir davantage), limite donc le traitement de l’information reçue de manière objective.

Soyez donc vigilant lors de votre conception pédagogique au choix de vos premières informations qui joueront le rôle d’ancre malgré notre volonté d’être aussi ouvert que possible sur d’autres champs. Si, en plus, vous concevez votre formation en storytelling, les premières informations reçues seront celles consacrées à la narration et donc, de l’émotion ressentie.

 

  • Le biais attentionné

Je pourrai également vous citer d’autres biais très présents dans le domaine de la formation : le biais d’attention ou biais attentionnel. Il s’agit de la capacité limitée à traiter simultanément toutes les informations disponibles. Notre cerveau va privilégier certaines données et informations au détriment d’autres qui peuvent finalement être plus importantes. Ce biais peut être arrangeant pour le storytelling pédagogique car souvent c’est l’histoire qui est privilégiée. En revanche, gardez à l’esprit que votre histoire a pour vocation de faciliter l’acquisition d’apports et de contenus. Elle doit donc être facilitatrice et non cannibalisante.

 

Les biais cognitifs les plus fréquents en conception pédagogique :

Le storytelling est une technique puissante… à condition d’être conscient des pièges invisibles que sont nos biais cognitifs.

En les identifiant, vous renforcez la rigueur de vos scénarios, l’impact de vos messages et la qualité de vos formations.

Et vous, avez-vous déjà repérés des biais dans vos conceptions pédagogiques et plus particulièrement en storytelling pour la formation ?

Commentez sur nos réseaux et partagez vos points de vue sur les biais cognitifs et la conception pédagogique sous storytelling !

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Sources :

  • Kahneman, D. (2011). Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée. Éditions Flammarion.

  • Tversky, A., & Kahneman, D. (1974). Judgment under uncertainty: Heuristics and biases. Science, 185(4157), 1124–1131.

  • Harvey, J. B. (1974). The Abilene Paradox: The Management of Agreement. *Organizational Dynamics*, 3(1), 63–80.

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